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JOURNÉE I, SCÈNE I.

cosme.

Impossible !… mon épée est une demoiselle sensible et délicate qui demande les plus grandes précautions.


Entrent DON JUAN, DOÑA BÉATRIX et CLARA ; Doña Béatrix et Clara couvertes de leurs mantes s’efforcent de retenir don Juan.
don juan.

Lâchez-moi, Béatrix.

béatrix.

Vous n’irez pas.

don juan.

Songez-y, l’un des deux combattants… c’est mon frère.

béatrix.

Hélas !

don juan, à don Louis.

Me voici à vos côtés.

don louis.

Non pas, don Juan, de grâce, éloignez-vous. Loin d’exciter mon courage, votre présence ne servirait qu’à le glacer. (À don Manuel.) Cavalier, comme tout à l’heure seul je n’ai pas refusé le combat, vous ne croirez pas que c’est par lâcheté que je le cesse lorsque j’ai avec moi un second… Adieu… il m’est impossible maintenant de continuer cet assaut avec un homme tel que vous… Adieu.

don manuel.

Je vous sais gré, seigneur, d’une action si noble. Mais si par aventure il vous reste quelque scrupule, vous me retrouverez où vous voudrez.

don louis.

Fort bien.

don manuel.

Je suis don Manuel.

don juan.

Que vois-je ? qu’entends-je ?… don Manuel !

don manuel.

Don Juan !

don juan.

Mon âme suspendue hésite incertaine en voyant un frère et un ami si cher dans une semblable querelle… Et jusqu’à ce que vous m’en ayez appris la cause…

don louis.

La cause en est bien simple. Ce valet par ses importunités m’a forcé à lui parler avec humeur, et le seigneur don Manuel, son maître, m’a demandé raison… Voilà tout.

don juan.

Puisqu’il en est ainsi, vous me permettrez, mon frère, de l’embrasser. C’est lui, c’est le noble hôte qu’attend notre maison. Ap-