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JOURNÉE III, SCÈNE IV.

la duchesse.

Que s’est-il donc passé ?

laura, à part.

Ô amour ! fais servir ma faule même à ma justification ! (Haut.) Comme j’étais tout à l’heure à ces fenêtres qui donnent sur le parc, j’ai entendu passer des chevaux ; j’ai soupçonné qu’il y avait quelque chose ; et pour m’en assurer je suis descendue.

la duchesse.

Les renseignements que vous me donnez là s’accordent à merveille avec ceux que j’ai déjà par devers moi, et je vous remercie de votre zèle. Dites-moi, qu’avez-vous vu dans le jardin ?

laura.

Je n’ai rien vu, madame, qui eût rapport à ce qui m’a fait venir. Mais vous pouvez vous retirer, il suffit que je sois ici.

la duchesse.

Eh bien ! restez donc.

laura.

Oui, madame.

On frappe.
la duchesse.

Écoutez ! n’a-t-on pas frappé ?

laura.

Le vent trompe bien souvent.

On frappe de nouveau.
la duchesse.

Cette fois ce n’est pas le vent. Ouvrez, et répondez.

laura.

Moi ?

la duchesse.

Oui. Je marcherai derrière vous, et nous tâcherons de savoir qui c’est, et qui l’on cherche.

laura.

C’est que ma voix est fort connue.

la duchesse.

Eh bien ! déguisez-la. Avancez, vous dis-je.

laura, à part.

Je tremble. Il m’est difficile de jouer ainsi un double rôle dans cette comédie nocturne où notre chiffre ne peut m’être bon à rien.

On frappe de nouveau.
la duchesse.

Que craignez-vous donc ?

laura.

Qu’on ne me reconnaisse quand je parlerai.

la duchesse.

Que vous êtes singulière !… Allons donc.

laura, ouvrant.

Qui va là ?