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JOURNÉE III, SCÈNE IV.

arnesto.

Et croyez-vous donc que je ne saurai pas, moi aussi, remplir mon devoir ?

frédéric.

Je ne vous dis pas le contraire, mais la personne qui m’attend ne m’attendra pas davantage.

arnesto.

Je vous empêcherai de la rejoindre.

frédéric.

Comment ?

arnesto.

Vous allez voir. (Il appelle.) Holà !

Entrent des Hommes d’armes.
les hommes d’armes.

Seigneur ?

arnesto.

Emparez-vous tous de ces portes. (À Frédéric.) Rendez-vous, ou sinon, voyez à quoi vous vous exposez.

frédéric, à part.

Ô ciel ! mon bonheur a fini, et mon malheur commence ! J’aurais dû le prévoir ! (Haut.) Vous n’aviez pas besoin de tant de gardes.

arnesto.

Cela est possible. Mais je vous avertis, en partant, de ne pas essayer de fuir ; sans quoi vous êtes mort.

Arnesto et les Hommes d’armes sortent.
frédéric.

Ah ! ce n’est pas la crainte de la mort qui m’arrête ; ce que je crains, ce que je redoute plus que la mort, c’est de causer un scandale qui compromette celle que j’aime… Mais, d’un autre côté, il m’est impossible de demeurer dans l’ignorance de ce que Laura est devenue… Je sais un moyen de passer dans la maison voisine… Attendez-moi, Laura, je vous verrai bientôt, malgré les hommes d’armes de votre père, malgré la fureur de la duchesse.

Il sort.

Scène IV.

Le parc. Il est nuit.
Entre LAURA.
laura.

Ombre funeste, qui es en même temps le berceau et le tombeau de la lumière ! si les délits d’amour sont écrits sur ta voûte ténébreuse, qui doit contenir autant d’aventures que d’étoiles, et sur laquelle sans doute ma destinée est tracée jusqu’à ce qu’elles disparaissent à la première lueur de l’aurore ; — ne t’étonne point