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JOURNÉE III, SCÈNE III.

frédéric.

Il ne serait pas convenable à moi d’accepter. — Et puis, je voulais vous ramener chez vous, parce que j’avais à voir un de mes amis.

arnesto.

J’irai avec vous. Dieu me préserve de vous empêcher de faire vos visites ! S’il faut attendre, j’attendrai jusqu’à demain ; et si, par hasard, c’est une visite galante, je vous donne ma parole de bien garder la rue. Ne craignez rien, comptez sur moi.

frédéric.

Je sais qu’on peut compter sur votre courage. (Il se lève, et Arnesto en fait autant.) Mais il faut que j’aille seul. Que Dieu vous garde !

arnesto.

Soyez bien persuadé que vous ne vous en irez pas, ou que j’irai avec vous.

frédéric.

Mais, seigneur, qui vous y force ?

arnesto.

Vous n’avez qu’à vous le demander à vous-même, et votre inquiétude vous répondra.

frédéric.

Je ne sais que vous dire ; je n’ai pas d’inquiétude.

arnesto.

Je sais bien que vous en avez, et vous ne sortirez qu’accompagné de moi.

frédéric, à part.

Quelle bizarre et cruelle situation !

arnesto.

Vous paraissez étonné ?

frédéric.

Oui, et plus qu’étonné.

arnesto.

Eh bien ! Frédéric, parlons sans détour. Je sais que quelqu’un vous a donné rendez-vous par une lettre.

frédéric, à part.

Ciel ! il sait tout ! Quelle douleur !

arnesto.

Comme je suis gouverneur de Parme, mon devoir, mon honneur, veulent que j’empêche cette rencontre. Vous-même, vous conviendrez que si je vous laisse aller, je manque tout à la fois aux devoirs de ma charge, et aux obligations d’un loyal cavalier. Ainsi donc, vive Dieu ! je suis forcé, je vous le répète, ou de vous retenir ici, ou d’aller avec vous, car je ne puis permettre que vous meniez à fin votre entreprise.