Page:Calderón - Théâtre, trad. Hinard, tome III.djvu/134

Cette page a été validée par deux contributeurs.
124
LE SECRET À HAUTE VOIX.

la duchesse.

Je ne veux pas avoir l’air d’être instruite de ce qui s’est passé ; car ce serait rendre l’injure publique.

arnesto.

C’est juste. Qu’ordonnez-vous ?

la duchesse.

Allez le chercher, et sans dire que c’est moi qui vous envoie, ne le perdez pas un instant de vue. En quelque endroit qu’il aille, allez avec lui. Et si, par hasard, il essaye de vous échapper, arrêtez-le, en prenant pour cela tout le monde nécessaire ; de telle sorte que vous le gardiez en lieu de sûreté toute la nuit jusqu’à demain.

arnesto.

Je vais le chercher à l’instant, madame, et je vous réponds que je ne le quitte plus.

Il sort.
la duchesse.

Tu apprendras aujourd’hui, ingrat, à quelle extrémité peut se porter une femme jalouse !

Elle sort.

Scène III.

Un salon dans la maison de Frédéric.
Entrent HENRI et FRÉDÉRIC, et un Valet qui se retire après avoir apporté des flambeaux.
frédéric.

Vous avez achevé d’écrire ?

henri.

Voici la lettre, et j’espère que vous serez aussi satisfait de ma protection que je l’ai été de votre gracieuse obligeance.

frédéric.

Vous êtes prince souverain, et c’est en toute sécurité que je vous confie mes intérêts, ma vie et mon honneur. Demeurez avec Dieu. Voici la nuit, et j’aime mieux attendre, que de perdre l’occasion.

henri.

Fort bien ; mais vous me permettrez de vous accompagner seulement jusqu’à la sortie de la ville.

frédéric.

Excusez moi si je n’accepte pas cet honneur : mais, en vérité, j’ai peur de tout, même de mon ombre ; et puisque je me cache de vous, croyez bien que, s’il était possible, je me cacherais de moi-même.

henri.

Vous voulez donc vous en aller seul ?

frédéric.

Oui. Adieu.