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LE SECRET À HAUTE VOIX.

laura, agitant son mouchoir.

Si vous me le permettez, madame, je crois qu’il me sera facile de l’expliquer.

la duchesse.

Parlez, je vous le permets.

laura.

Je meurs de jalousie, — madame ; eh bien ! ne trouvez-vous pas qu’il est généreux à moi de faire ma douleur à celui qui la cause ?

frédéric, à part.

Elle vient de dire : « Je meurs de jalousie. » Il faut lui répondre. (À la Duchesse.) Permettez, madame. (Il agite son mouchoir.) Vous avez tort, Laura ; vous n’interprétez pas bien ma pensée.

laura, à part.

Il vient de dire : « Vous avez tort, Laura. » Oh ! plût à Dieu que cela fût vrai !

la duchesse.

Il me semblait cependant que Laura avait dit absolument la même chose que vous.

laura.

Oui, j’ai dit que celui-là est avare qui répand ses plaintes au dehors, et que celui-la seul est généreux, qui les garde.

frédéric.

Oui, Laura, vous m’avez fort bien entendu, et vous avez expliqué merveilleusement ma pensée.

laura.

L’honneur vous en revient ; elle était trop facile à entendre.

fabio, à part.

Je crois, en effet, que tous deux s’entendent fort bien.

la duchesse.

De tout ce que vous avez dit l’un et l’autre, j’ai compris seulement que, selon vous, la générosité consiste à taire sa peine.

frédéric et laura.

Justement.

la duchesse.

Eh bien ! Frédéric, quoique je dise que je ne suis pas en quoi vous m’avez offensée, et puisque vous savez que je le sais, venez me voir tout à l’heure, avec l’assurance que je ne me plaindrai pas, et que vous n’avez rien à craindre. Cela doit vous suffire. — Allons, suivez-moi, Laura.

Elle sort.
laura, bas, à Frédéric.

Frédéric ?

frédéric, bas, à Laura.

Laura ?

laura, de même.

Ce qui est dit est dit.

Elle sort.