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JOURNÉE II, SCÈNE III.

frédéric.

Vous avez raison. (À part.) Jamais je ne me suis vu dans une situation plus cruelle, et…


Entre FABIO.
fabio.

Seigneur, lequel de ces deux habits puis-je prendre ?

frédéric.

Infâme coquin ! misérable que tu es !

fabio.

En voilà d’un autre, à présent !

frédéric.

Il n’a pas tenu à toi que je ne fusse perdu !

fabio.

Ce n’était pas la peine que je vinsse vous trouver[1].

frédéric.

Tu croyais que ce portrait était celui d’une dame ? Eh bien, c’est le mien !

fabio.

Je n’ignore que vous vous aimez.

frédéric.

Vive Dieu ! tu vas mourir de ma main.

fabio.

Ah ! Jésus !

frédéric, à part.

Mais non, j’ai tort. Puisque me voilà hors de danger, il vaut mieux ne pas faire de bruit. (Haut.) Fabio ?

fabio.

Seigneur ?

frédéric.

Viens avec moi, et choisis le meilleur des deux habits. Je sais que je n’ai aucun reproche à te faire, et que tu es d’une fidélité à l’épreuve.

fabio.

A-t-on jamais vu de pareils caprices ? vive Dieu ! j’y perdrais mon bon sens, — si j’en avais[2].

  1. Il y a ici une plaisanterie intraduisible, portant sur le double sens du mot visto, participe passé du verbe ver (voir), et première personne de l’indicatif présent du verbe vestir (habiller). Frédéric dit : « Sors, misérable, car à cause de toi je me suis vu au moment de ma perte. » À quoi Fabio : « Et moi, à cause de vous, je n’ai pas de quoi m’habiller. »
  2. Cette plaisanterie se trouve déjà dans la première journée. Calderon apparemment ne s’en est pas souvenu, sans quoi il nous en aurait donné une autre.