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LE SECRET À HAUTE VOIX.

frédéric, à part.

Maintenant, il me faut réunir tout ce qu’elle a dit, pourvu toutefois que je me le rappelle. Interrogeons pour cela son portrait, il me semblera que c’est elle qui me parle. (Il regarde un portrait.) Belle et charmante image, qu’est-ce donc que vous avez dit ?

fabio, à part.

Ah ! c’est le portrait qui lui dit tout ça !… C’est bon à savoir ! voilà du nouveau à conter.

frédéric, à part.

« Madame la duchesse sait déjà que vous ne vous êtes pas absenté. Elle sait que vous avez parlé avec une dame. Il lui est venu une horrible jalousie. Ne me nommez pas, je vous prie. Défiez-vous de vos entours, et venez de nouveau me parler. » (À Fabio.) Vive le ciel, traître, c’est toi qui m’as vendu ! c’est toi qui as été dire que je ne m’étais pas absenté !

fabio, éperdu.

Seigneur, quelle colère vous a pris tout à coup ? et pourquoi me traitez-vous ainsi ?

frédéric.

Je sais pourquoi, traître !

fabio.

Eh quoi ! seigneur, n’étiez-vous pas content de moi lorsque nous sommes entrés dans ce salon ? Quelle espèce d’accusation ou d’indice avez-vous ici trouvé contre moi ? Personne ne vous ayant parlé, qui a pu vous dire du mal de moi ?

frédéric.

Oui, drôle, depuis que je suis entré ici j’ai appris que tu avais conté que je ne m’étais pas absenté cette nuit et que j’étais allé voir ma dame.

fabio.

Vous avez appris cela depuis que vous êtes entré ?

frédéric.

Oui.

fabio.

Mais remarquez, seigneur…

frédéric.

Je te châtierai comme tu le mérites.

fabio.

Mais, seigneur, qui vous appris cela ?

frédéric.

Rappelle-toi à qui tu l’as dit… C’est cette personne qui me l’a rapporté.

fabio.

Je ne l’ai dit à personne. (À part.) Je mourrai s’il le faut, mais je ne dirai pas ce qui en est.