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JOURNÉE III, SCÈNE I.

grande reconnaissance de mon empressement à vous servir ! Hier, vous me faites la confidence de vos chagrins ; moi, je me hâte de chercher Léonor, et je l’amène chez ma sœur, auprès de qui vous l’avez trouvée… J’espère que tout s’arrangera à votre satisfaction, et que vous retournerez à Madrid content et honoré… Mais si ma conduite vous déplaît, je cesserai de me mêler de vos affaires.

don pèdre.

Souffrez, don Juan, que j’embrasse vos genoux, et veuillez me pardonner. La colère que j’ai ressentie à la vue de ma fille m’a ôté l’usage de ma raison. Il est bien difficile à un infortuné de demeurer de sang-froid en présence de ce qui a causé son malheur, et la passion m’a entraîné. Mais, prosterné à vos pieds, je mets tout à votre disposition.

don juan.

Que faites-vous, seigneur ? Levez-vous !

don pèdre.

Et vous, madame, pardonnez l’ennui que je vous ai causé. Je suis noble, et j’ai reçu un outrage.

béatrix.

Si j’avais su qui vous étiez, seigneur, c’eût été en m’y prenant d’une autre sorte que j’aurais essayé de vous calmer.

don juan.

Avez-vous fait appeler don Diègue ?

béatrix.

Oui, Inès vient d’y aller.

don juan.

Veuillez m’accompagner, seigneur don Pèdre ; il est une démarche d’une haute importance que nous devons faire ensemble. Vous pouvez être tranquille touchant Léonor, puisqu’elle reste avec Béatrix.

béatrix.

Je vous réponds d’elle, seigneur.

don pèdre.

Il suffit, madame, qu’elle soit auprès de vous. — Dieu puissant, permets que je voie mon honneur rétabli, et ensuite vienne la mort quand elle voudra.

don juan, à part.

Je ne sais où diable le conduire. (Bas, à Béatrix.) Pendant mon absence, vous, parlez à don Diègue… tâchez de le décider… mon bonheur en dépend.

Don Juan et don Pèdre sortent.
béatrix.

Son bonheur !… et mon infortune !… — Léonor ; ouvrez, je suis seule.