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JOURNÉE III, SCÈNE I.


Entre BÉATRIX.
béatrix.

Don Carlos est-il ici ?

don juan.

Non, Béatrix.

béatrix.

C’est cependant pour lui que je suis venue.

don juan.

Lorsque Léonor s’est évanouie, je l’ai laissé ici, et à mon retour je ne l’ai plus retrouvé… (À part.) Béatrix elle-même doit tout ignorer.

béatrix.

Sans doute son courage l’aura entraîné sur les pas de don Diègue.

don juan.

Ne sachant où le trouver, je ne suis pas sorti à sa recherche… Mais vous-même que lui voulez-vous ?

béatrix.

Je venais le prier, mon frère, d’avoir au moins quelque pitié de sa dame, sinon comme amant, du moins comme cavalier et galant homme. Elle est dans la plus profonde affliction.

don juan.

Que dit-elle ?

béatrix.

Qu’une seule chose peut la consoler : de voir don Carlos.

don juan.

Il n’y est pas. Et puisque nous sommes seuls, Béatrix, connaissant toute votre prudence, je veux vous confier une idée qui m’est venue.

béatrix.

Voilà qui est très-flatteur pour moi… d’autant que cela est tout nouveau. Car hier, vous aviez si bonne opinion de moi, que ce sont vos soupçons qui vous ont fait entrer ainsi dans mon appartement. N’est-il pas singulier de réunir à ce point la confiance et la méfiance ?

don juan.

Vains reproches ! vous savez toute l’estime que j’ai pour vous. — Enfin, Béatrix, vous seule pouvez prévenir les périls qui nous menacent, don Diègue, don Carlos, et moi aussi… car il me faut absolument intervenir dans la querelle.

béatrix.

Que désirez-vous ?

don juan.

Le voici : veuillez m’écouter. — Connaissant quelle est la famille de Léonor, je dois maintenant, plus que jamais, protéger son honneur et sa réputation. Mais si je tente de traiter moi-même cette