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LE GEÔLIER DE SOI-MÊME.

le roi.

N’est-ce donc pas celui à qui vous avez parlé ?

l’infant.

Oui, sire, c’est celui-là même.

le roi.

Eh bien ! celui-là même a un langage et des manières d’une telle rusticité, qu’on le prendrait pour un paysan brutal plutôt que pour un gentilhomme.

l’infant.

Alors il faut que la prison lui ait ôté le jugement, car il n’y avait pas de cavalier plus distingué dans toute l’Italie.

l’infante, à part.

Que se disent-ils donc là a voix basse ?

le roi.

Vos incertitudes vont cesser. (À un Domestique.) Qu’on amène à l’instant le prince Frédéric. (Le Domestique sort.) Et si vous lui trouvez la moindre raison, je m’engage de nouveau à lui donner ma fille.

hélène, à part.

Pour que je puisse le croire, il faut qu’il l’appelle son frère en le voyant de plus près.


LE DOMESTIQUE rentre avec BENITO.
benito.

Je suis comme un cheval qu’on veut vendre au marché ; tous m’essayent l’un après l’autre. (Au Roi.) Eh bien ! qu’y a-t-il pour le service de votre majesté ? Dites, est-ce celui-là qui est mon frère ?

le roi, à part.

Il s’est déjà trahi. (À l’Infant.) Eh bien ! vous avais-je trompé ?

l’infant.

Certes, oui, puisque au lieu du prince Frédéric vous faites amener un homme qui n’a pas avec lui la moindre ressemblance.

le roi.

Ce n’est donc pas celui-là que vous voyiez tout-à-l’heure et que vous avez reconnu pour votre frère ?

l’infant.

Non, assurément.

le roi.

Quelle bizarre confusion !

hélène.

Cet homme, sire, est un vilain que je connais.

le roi.

Eh bien ! je n’ai pas d’autre prisonnier, et je ne puis vous rendre votre frère.

l’infant.

Cependant je l’ai vu.