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JOURNÉE III, SCÈNE II.

benito.

Vous allez me payer, l’ami, tout l’arriéré. — (Il s’assied. Haut.) Maintenant je suis bien ; et puisqu’il reste quelques sièges, votre majesté peut s’asseoir.

frédéric, à part.

Le voilà revenu à son caractère.

le roi, bas, à l’Infante.

Et à cette heure, infante, que me direz-vous d’un si aimable soupirant ?

l’infante.

Mais, mon père, est-ce que vous ne le trouvez pas fort bien ? — Comme il avait bon air et bonne grâce ! et avec quelle sensibilité il vous a dit de vous asseoir ! Non, vraiment, quoiqu’on le vante beaucoup, à mon gré on ne le vante pas encore assez.

le roi.

Comment ! vous trouvez quelque mérite à un pareil homme ? — En vérité, plutôt encore que de l’amour, c’est de la folie de ne pas voir à quel point cet homme est vulgaire et grossier.

l’infante.

Hélas ! amour ou folie n’est-ce pas la même chose ?

le roi, à Benito.

Ce que je désire le plus en ce moment, c’est de me consulter avec votre altesse, à l’occasion de l’arrivée de votre frère.

benito.

Mon frère !.. Jamais de ma vie je n’ai eu de frère.

roberto.

On vous dit que l’infant votre frère marche sur Naples. Est-ce que cela n’est pas clair ?

benito.

Eh bien ! je ne connaissais pas mon frère l’infant. (Tirant l’oreille de Roberto.) C’est votre faute, drôle ; vous m’avez caché jusqu’à ce jour que j’eusse un frère. Vous me le payerez. Qu’est ceci ?

le roi, bas, à l’Infante.

Et en ce moment, que dites-vous ? Sont-ce là les manières d’un prince, d’un gentilhomme ?

l’infante.

Il m’a semblé d’une vivacité charmante. Il m’aurait fait rire !

le roi.

Ma foi ! si de telles façons d’agir vous plaisent, vous n’êtes pas difficile.

l’infante.

Il avait une colère adorable.

le roi.

Eh bien ! ma fille, je ne juge pas du tout cet homme comme vous