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LE GEÔLIER DE SOI-MÊME.

que je vous apporte. Le roi et l’infante vont venir vous voir ; vous êtes sauvé, vous allez être libre.

roberto.

Que votre altesse ne manque pas de dire toutes sortes de choses aimables à l’infante, comme à sa cousine et à sa future épouse.

benito.

Pas si sot ; je sais ce que j’ai à dire et comment je dois me conduire avec vous. Vous me payerez tous vos vilains tours aussitôt qu’il y aura du monde.

frédéric.

Les voici. (À part.) Ô amour ! toi qui inspires toutes les ruses et toutes les tromperies des amans, fais réussir la nôtre. Puisse le roi être persuadé que la divine Marguerite est éprise de ce prince !


Entrent LE ROI, L’INFANTE et LE CAPITAINE.
le roi.

Votre altesse est sans doute étonnée de cette visite.

benito.

Pas du tout, car Roberto m’avait déjà averti.

le roi.

Vous devez voir dans ma démarche une preuve de mon estime toute particulière et des sentimens de la princesse qui m’accompagne.

benito.

Je baise les mains de la princesse.

l’infante.

Le roi mon seigneur, sachant jusqu’où allait votre mélancolie, a voulu venir. Cela vous prouve qu’il n’a plus désormais aucun ressentiment, et que vous n’avez rien à craindre ; — car, par une loi pleine de sagesse et d’humanité, le prisonnier est sauvé qui a vu le visage du roi.

le roi, à part.

Pauvre infante !… Elle a beaucoup de peine à cacher son amour.

benito.

Je savais bien, sire, qu’un pauvre prisonnier n’avait rien à craindre de vous. (À part.) Je ne me croyais pas autant d’esprit.

roberto, à part.

Eh bien ! ne voilà-t-il pas que cet animal s’avise de parler raisonnablement ?

frédéric, à part.

Je suis tout surpris de l’entendre. — Est-ce le rang où il est monté qui a ainsi corrigé le naturel ?

benito.

Allons, qu’on nous donne des sièges !

roberto.

Ils sont là sous la main de votre altesse.