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LE GEÔLIER DE SOI-MÊME.

premier soldat.

Je le tiens !

deuxième soldat.

Arrivez !

le capitaine.

Rends-toi, ou tu tombes à l’instant frappé de la foudre.

benito.

Ah ! messieurs, l’on m’emporte !… En quoi donc suis-je si coupable pour avoir…

le capitaine.

N’essaye pas de te défendre. Il faut que, mort ou vif, nous te conduisions vers le roi.

deuxième soldat.

Tenez-le bien.

premier soldat.

Je le tiens de toutes mes forces.

benito.

Ah ! messieurs, l’on m’emporte[1] !



JOURNÉE DEUXIÈME.


Scène I.

Le jardin du palais.
Entrent L’INFANTE et SÉRAPHINE.
l’infante.

Arrêtons-nous ici, chère Séraphine ; c’est ici que je veux te parler. Ici, du moins, nous n’aurons autour de nous que ces plantes et ces fleurs, discrètes confidentes de mon amour. D’autres fois déjà elles ont vu mes larmes, entendu mes soupirs, alors que solitaire je venais leur conter mes plaisirs ou mes peines ; car, vraiment, on trouve je ne sais quel charme à conter son amour même à des plantes muettes, à des ruisseaux insensibles, à de durs rochers. — Donc, puisque je t’ai promis de te confier mon secret si long-temps enseveli dans mon cœur, — tu sauras qu’un jour, — c’était un des jours qui précédèrent l’événement funeste auquel je dois mes douleurs, — mon majordome me dit : « Si votre altesse veut se distraire un moment, elle pourra voir les bijoux les plus rares, les plus merveilleux que l’art ait jamais produits, et que le désir ait jamais

  1. Ay señores, que me llevan.

    Très-probablement ces paroles de Benito s’adressaient au public.