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JOURNÉE I, SCÈNE IV.

nettes de mes yeux[1] ; car je peux vivre sans mes yeux, et je ne le puis pas sans l’amour de mon Antona.

antona.

Tu ne changeras pas ?

benito.

Jamais.

antona.

Tu ne seras pas infidèle ?

benito.

Jamais.

antona.

Mais tu me disais tout-à-l’heure que tu te fatiguerais de moi ?

benito.

C’est vrai.

antona.

Et pourquoi ça ?

benito.

Parce que tu seras à moi.

antona.

Et pourquoi donc ?

benito.

Parce que je verrai tous les jours même visage.

antona.

Eh bien ! si ce n’est que pour ça, je m’arrangerai ; car je suis femme et ferai nouveau visage chaque jour[2].

Elle sort.
benito.

Eh ! mon Dieu ! oui, elle saura s’en tirer tout comme une autre. On a vu plus d’une femme qui le matin était blanche comme un lis, et qui le soir était devenu clou de girofle. — Mais qu’est-ce donc que je vois briller par là ? Approchons… En vérité, c’est de l’or ou de l’argent… quelle bonne idée j’ai eue de venir de ce côté !… Voilà que je trouve un trésor que l’on avait mis sans doute ici pour le cacher. Enlevons ça doucement. — Mais que vois-je ? c’est un de ces vêtemens d’or que l’on appelle harnais. (Il tire l’armure de dessous les branches d’arbre.) Mais, tout de même, ça n’est pas nouveau pour moi. J’en ai déjà vu comme ça au village, et je sais bien comment que ça se met. Je ne suis pas bête, moi. (Il met l’armure tout de travers.) J’ai entendu dire que l’or et l’argent venaient dedans la terre ; mais qu’il y vienne un vêtement tout fait sans que personne y ait travaillé, voilà le curieux de l’histoire… Je voudrais bien que

  1. Dans le texte Benito dit mochacha’’(jeune fille], au lieu de niña, qui signifie tout à la fois la prunelle de l’œil et une jeune fille.
  2. Moger soy, y sabré hacer
    Una cara cada dia.