Espagnol.
Benito.
Et l’êtes-vous ?
Moi ?
Oui, madame, je suis né à Barcelonne.
On reconnaît en vous les enfans du soleil[1]. (À part.) Jamais je n’ai vu un homme mieux fait.
Vous me flattez, madame, et je suis à votre service.
Tu me feras perdre l’esprit ; ce n’est pas à toi qu’on parle.
Vous acceptez donc ce que je vous ai proposé ?
Madame, dans le port qui s’ouvre devant moi, j’oublierai, je le sens, la tempête et le malheur.
On voit à son langage que c’est un homme bien né.
Oui, certes, je suis très-bien né ; car ma mère m’a dit, s’il m’en souvient, que j’étais né par les pieds.
Si je réussis dans mes desseins au gré de mes espérances, si je parviens à me venger de cet ennemi inconnu, — car, vous le savez, la vengeance est le plaisir des femmes, — je vous en donne ma parole, Espagnol, je ferai en sorte que vous oubliiez vos malheurs.
Votre bienveillance suffit, madame, pour me faire tout oublier. (À part.) Ô fortune ! dans quelle situation m’as-tu placé ? Celle qui veut ma mort me rend la vie ! celle qui me recherche me protège ! celle qui me poursuit me donne asile !… Eh bien ! demeurons chez elle, car il n’est pas une hospitalité plus sûre que celle que vous offre un ennemi[2].