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JOURNÉE I, SCÈNE II.

frédéric.

Espagnol.

benito.

Benito.

hélène.

Et l’êtes-vous ?

benito.

Moi ?

frédéric.

Oui, madame, je suis né à Barcelonne.

hélène.

On reconnaît en vous les enfans du soleil[1]. (À part.) Jamais je n’ai vu un homme mieux fait.

benito.

Vous me flattez, madame, et je suis à votre service.

antona.

Tu me feras perdre l’esprit ; ce n’est pas à toi qu’on parle.

hélène.

Vous acceptez donc ce que je vous ai proposé ?

frédéric.

Madame, dans le port qui s’ouvre devant moi, j’oublierai, je le sens, la tempête et le malheur.

hélène.

On voit à son langage que c’est un homme bien né.

benito.

Oui, certes, je suis très-bien né ; car ma mère m’a dit, s’il m’en souvient, que j’étais né par les pieds.

hélène.

Si je réussis dans mes desseins au gré de mes espérances, si je parviens à me venger de cet ennemi inconnu, — car, vous le savez, la vengeance est le plaisir des femmes, — je vous en donne ma parole, Espagnol, je ferai en sorte que vous oubliiez vos malheurs.

Elle sort.
frédéric.

Votre bienveillance suffit, madame, pour me faire tout oublier. (À part.) Ô fortune ! dans quelle situation m’as-tu placé ? Celle qui veut ma mort me rend la vie ! celle qui me recherche me protège ! celle qui me poursuit me donne asile !… Eh bien ! demeurons chez elle, car il n’est pas une hospitalité plus sûre que celle que vous offre un ennemi[2].

Ils sortent.
  1. Todos sois hijos del sol.
  2. Littéralement : « Car le coupable est plus en sûreté là où il a commis le délit. »