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JOURNÉE III, SCÈNE II.

don alvar.

Approchons-nous du rempart. (On entend comme le bruit d’une arme à feu.) Qu’est cela ?

alcouzcouz.

Le canon avoir une bouche qui parler bien haut ; mais moi ignorer son langage. (On entend l’explosion de la mine.) Ô Mahomet ! protége-moi, et qu’Allah te le rende !

don alvar.

On dirait que la terre entière vient d’être ébranlée sur les pôles qui la soutiennent.

don lope, du dehors.

La mine a éclaté. Tous, tous, en avant ! à la brèche !

don alvar.

Où suis-je, grand Dieu !… Comment ces montagnes ont-elles pu enfanter ces horribles volcans ?

alcouzcouz.

Moi n’aimer pas ce feu ni cette fumée[1].

don alvar.

Hélas ! quel malheur ! quelle affreuse situation !… Déjà la ville est dans la confusion d’une alarme imprévue ; de tous côtés des hommes d’armes la parcourent, et peut-être bientôt sera-t-elle saccagée, renversée de fond en comble. Serais-je noble, serais-je amant, si je ne m’élançais point au milieu des flammes, en gravissant les débris de ces murs ? Qu’au milieu de ce désastre je puisse sauver la belle Maléca, peu m’importe ensuite la ruine de Galère et celle du monde entier !

Il sort.
alcouzcouz.

Moi n’être ni noble ni amant, si dans cette bagarre moi ne pas sauver Zara. Mais c’est un petit malheur de n’être ni amant ni noble. Moi d’abord sauver ma peau, et ensuite tant pis pour Galère et pour Zara !

Il sort.

Scène II.

Sur les remparts de Galère.
Entrent DON JUAN DE MENDOCE, DON LOPE DE FIGUEROA, GARCÈS et des Soldats espagnols.
don lope.

Point de quartier ! Qu’il ne reste pas âme qui vive ! Que tout soit mis à feu et à sang !

garcès.

Je vais étendre l’incendie.

Il sort.
  1. Il y a ici une grâce d’Alcouzcouz qui est vraiment intraduisible. Comme son maître prononce le mot volcanes (volcans), il entend on fait semblant d’entendre alacranes (scorpions), et il lui dit : Pourquoi parlez-vous de scorpions, lorsque, etc., etc.