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AIMER APRÈS LA MORT.

don alvar.

Hélas ! l’amour n’est qu’une pénible mort.

Ils sortent. Alcouzcouz reste avec Béatrix.
béatrix.

Puisque nous voilà seuls, approche, Alcouzcouz.

alcouzcouz.

Cette amabilité, ma petite Zara, être pour le bissac ou pour moi ?

béatrix.

Quoi ! toujours le même !… toujours sans souci lorsque tout le monde est dans la tristesse ! — Écoute.

alcouzcouz.

Cette gentillesse, ma petite Zura, être pour moi ou pour le bissac ?…

béatrix.

C’est pour toi. Mais puisque tu manques ainsi des égards que tu dois à mon amour, je veux voir ce qu’il y a dans le bissac.

alcouzcouz.

Alors la chose être claire. C’était pour lui et non pour moi.

béatrix.

Quoi ! voilà du porc ! tu ne crains pas de porter cela avec toi ? — Ciel ! que vois-je ? du vin !… — Tout ce que tu as là, Alcouzcouz, est du poison. Je ne veux ni le toucher ni le voir ; et toi, prends garde ; tu es perdu pour toujours si tu en goûtes.

Elle sort.
alcouzcouz, seul.

Tout cela être du poison ! — Oui, il faut le croire, Zara le dit, et Zara se connaître en poison. Puis Zara l’avoir vu, et Zara, qui est si gourmande, n’avoir pas voulu le goûter… oh ! oui, c’est du poison. — Le crétin, sans doute, avoir voulu tuer Alcouzcouz… Oh ! le vilain ! Mais le grand prophète Mahomet m’avoir délivré parce que moi lui offrir d’aller à la Mecque voir son jambon. (Bruit de tambour.) Bon ! encore le son de ces damnés tambours ! et puis toute la montagne pleine de soldats ! Moi courir vers Tuzani. — Y a-t-il quelqu’un ici qui vouloir de mon poison[1] ?

Il sort.

Scène III.

Le camp de don Juan.
Entrent DON JUAN D’AUTRICHE, DON LOPE DE FIGUEROA, DON JUAN DE MENDOCE, et des Soldatd.
mendoce.

De ce point où nous sommes on reconnaît mieux les positions, surtout en ce moment où le soleil, sur son déclin, nous permet de contempler plus long-temps les objets. La ville qui est à main

  1. Aver alguien por aì
    Que querer de este veneno ?

    Il est très-prohable que ces paroles du gracioso s’adressaient aux spectateurs.