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JOURNÉE I, SCÈNE III.

sirait savoir de vos nouvelles vienne vous demander à vous-même comment vous vous trouvez en prison.

mendoce.

Très-volontiers. — Laisse-nous, Garcès.

garcès.

Cependant, seigneur, si c’était par hasard…

mendoce.

Va, ne crains rien ; j’ai reconnu la voix.

garcès.

Alors je me retire.

Il sort.
mendoce.

Adieu. — Mes yeux et mes oreilles, charmante dame, me tiennent dans un doute égal. Si j’en crois mes yeux, vous ne paraissez pas ce que vous êtes ; si j’en crois mes oreilles, vous n’êtes pas ce que vous paraissez. Veuillez, madame, détourner le léger voile qui couvre votre visage, et une fois que cette espèce de nuage ne vous dérobera plus à mes yeux, je pourrai dire qu’aujourd’hui j’ai vu le soleil se lever deux fois.

isabelle.

Pour que vous n’alliez point, seigneur don Juan, vous égarer dans de vaines suppositions, je me hâte de me découvrir. Il en coûterait trop à ma jalousie si vous pensiez devoir cette attention à une autre. Maintenant regardez.

Elle se découvre.
mendoce.

Quoi ! c’est vous, Isabelle ? — Vous chez moi ! vous dehors dans ce costume !… Vous avez daigné venir ?… Je ne pourrais sans présomption croire à un tel bonheur, et j’étais forcé d’en douter.

isabelle.

Depuis que j’ai appris ce qui s’était passé et votre arrestation, mon amour ne m’a pas accordé un moment de repos ; et profitant de l’absence de mon frère, don Alvar Tuzani, je suis venue avec une seule femme que j’ai laissée ici à la porte. J’espère, don Juan, que vous ne douterez point de mon amour.

mendoce.

Non, adorable Isabelle, et en recevant une telle faveur, loin de me plaindre de mes disgrâces, je m’en réjouis ; car je dois à ces disgrâces mêmes…


Entre INÈS.
inès.

Ah ! madame !

isabelle.

Qu’est-ce donc, Inès ?

inès.

Don Alvar, mon maître, vient d’entrer.