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JOURNÉE III, SCÈNE II.

le soleil de mon honneur se lève radieux au-dessus de ce naufrage et de cet incendie !

Don Lope se retire.


Un moment après entrent LE ROI, LE DUC DE BRAGANCE et le Cortége.
le roi.

Venez par ici, duc… Que la nature est belle à cette heure ! comme elle est calme et silencieuse !… Approchons-nous un peu de la mer ; j’aime à en respirer la fraîcheur.

le duc.

Voyez, sire ; elle a pensé que le second soleil dormait paisible en sa sphère, et la voilà qui mollement réfléchit les étoiles qui scintillent encore dans ses ondes.

le roi.

Le ciel d’azur s’y contemple tout entier avec une sorte de complaisance, comme un nouveau Narcisse épris de sa beauté. — Et puis, regardez dans le lointain toutes ces barques avec leurs fanaux et leurs voiles. On dirait des cygnes enflammés qui se disposent à déployer leurs ailes et à voler sur les eaux. — Et puis, plus près de nous, toutes ces maisons de plaisance, ces arbres, ces rochers qui projettent leurs grandes ombres sur la surface de la mer, et semblent plonger par leur sommet dans ses profondeurs. — Oui, la nature est belle, mais surtout près de Lisbonne… Adieu, ma douce patrie, adieu ! Que le ciel me permette de revenir à toi victorieux, après avoir acquis à mon nom une nouvelle gloire et de nouveaux triomphes à l’Église !…

une voix.

Au feu !

une autre voix.

Au feu ! au feu !

le roi.

Quelles sont ces clameurs, duc ?

le duc.

On crie au feu !… et, en effet, voilà le château voisin qui brûle. C’est, si je ne me trompe, celui de don Lope d’Almeyda. Il sera bientôt embrasé.

le roi.

Il s’échappe par les combles une épaisse fumée mêlée de vives étincelles… Il me semble voir un volcan… L’incendie environne la maison de tous côtés… Je doute que personne s’en puisse sauver… Approchons pour voir s’il y aurait moyen de porter quelques secours.

le duc.

Quelle témérité, sire !

le roi.

Non pas, duc ; c’est de l’humanité.