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JOURNÉE I, SCÈNE I.

don lope.

Puisse le laurier divin qui couronne votre front durer éternellement !

le roi.

Comptez à jamais sur mon estime.

Le roi se retire suivi du cortège.
manrique.

Vous devez être content à cette heure ?

don lope.

Oui, rien n’égale mon bonheur et ma joie. — Que ne puis-je voler !

manrique.

Comme le vent, n’est-il pas vrai ?

don lope.

Non, l’air est un élément paresseux et tardif ; ce ne sont pas ses ailes que j’envie, je voudrais avoir les ailes, les ailes de feu de l’Amour.

manrique.

Afin que je n’en ignore, dites-moi donc le motif d’un pareil empressement.

don lope.

Tu le sais, mon mariage.

manrique.

Quoi ! seigneur, ne considérez-vous pas qu’il y a là de quoi effrayer le monde, qu’un homme ait tant hâte d’aller se marier ? Si aujourd’hui, parce que vous voulez vous marier, vous vous plaignez même du vent, que ferez-vous donc quand vous voudrez devenir veuf ?


Entre DON JUAN DE SILVA, pauvrement vêtu.
don juan, à part.

En quel état différent je me flattais de revenir vers toi, ô ma chère patrie, en ce malheureux jour où je te fis mes adieux !… Je regrette maintenant d’avoir porté mes pas sur ton sol ; car il est toujours mieux pour un infortuné de vivre en un pays où il n’est pas connu… Il y a du monde ici. Il ne convient pas qu’on me voie en ce misérable équipage.

Il s’éloigne.
don lope, à part.

En croirai-je mes yeux ? est-ce la vérité ou bien une illusion ? (Appelant.) Attendez ! don Juan !

don juan.

Don Lope !

don lope, courant vers don Juan.

Je doutais d’un si grand bonheur, et j’ai suspendu mon embrassade.