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JOURNÉE II, SCÈNE III.

doña violante.

La nuit malheureuse arriva, et je ne pus l’avenir que mon père, à la tête d’une troupe d’hommes armés, l’attendait.

doña serafina.

Qui ? — celui qui devait venir à Milan ?

doña violante.

Oui ; ce fut là le malheur.

doña serafina, à part.

Elle ne le nommera pas !

doña violante.

Il se présenta en effet.

doña serafina.

Qui se présenta ?

doña violante.

Don César, que l’on croyait absent.

doña serafina.

Don César ?

doña violante.

Oui.

doña serafina, à part.

Elle n’achèvera pas !… C’était bien la peine de commencer (Haut.) Et enfin…

doña violante.

Ce qui se passa entre eux, je ne le sais pas au juste ; je sais seulement qu’en entendant l’explosion d’une arme à feu et un cliquetis d’épées, j’avais l’âme suspendue entre mon père et mon amant, lorsqu’un vieux domestique, croyant faire pour le mieux, enfonça la porte de mon appartement, et alors…

doña serafina.

Pardon ; il est un point que je ne comprends pas bien ; si c’était don César, pourquoi venez-vous chercher ici don Félix ?

doña violante.

Parce que don Félix est un de ses amis qui, sans doute, aura voulu l’accompagner.

doña serafina.

Fort bien. Revenez à votre récit.

doña violante.

Moi alors, me voyant tout-à-coup dans une position si difficile et si affreuse, ne sachant plus ce que je faisais, et n’écoutant que les inspirations de la crainte qui conseille si mal, je pris un parti extrême : au lieu d’aller demander asile à quelqu’une de mes amies ou à ma famille, je courus chez son ami, dans la persuasion que nul ne me secourrait aussi bien dans ma peine, car nul ne devait la sentir plus vivement ; mais, hélas ! je ne le trouvai pas.