Page:Calderón - Théâtre, trad. Hinard, tome I.djvu/52

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
18
MAISON À DEUX PORTES.

osez entrer de la sorte dans ma maison, dans mon appartement ?

don félix.

Hélas ! madame, celui qui désire mourir ne craint plus rien. Et si ma mort pouvait me venger de vos mépris, je voudrais mourir à vos yeux pour être heureux du moins par ma mort.

laura.

Celia !

celia.

Que vous plaît-il ?

laura.

La faute en est à toi.


celia.

À moi, madame ?

laura.

Si tu avais fermé la porte.

celia.

Je l’ai fermée, madame.

don félix.

Oui. madame, ce n’est point Celia que vous devez quereller ; elle n’a aucun reproche à se faire ; elle ne m’a point aidé à vous voir. C’est moi seul qui suis coupable, ainsi c’est moi seul que vous devez punir… Mais non ; vous la grondez parce que vous êtes injuste par goût et par habitude, et que vous ne tenez pas à être plus équitable envers elle qu’envers moi.

laura.

En effet, vous avez raison ; je suis naturellement et par plaisir d’une injustice sans égale. Car vous n’avez pas écrit à Nice, n’est-ce pas ? car vous n’avez pas été chez elle, n’est-ce pas encore ? car elle, de son côté, elle n’a pas été chez vous, n’est-il pas vrai ? — Oh ! oui, je suis la plus injuste des femmes, et vous, le plus innocent des hommes !… Oui, je suis inconstante, légère, volage. Mais si je suis volage, légère, inconstante, pourquoi me cherchez-vous ? que me voulez-vous ?

don félix.

Je veux seulement vous persuader que vous vous trompez, que vous avez conçu à tort de la jalousie.

laura.

Moi de la jalousie, don Félix ?

don félix.

Oui, Laura, et…

laura.

Qui vous a dit que j’eusse de la jalousie ?

don félix.

Votre conduite envers moi.

laura.

Ma conduite envers vous ?