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JOURNÉE I, SCÈNE I.

ce très-curieux cavalier, et si vous me suivez, soyez assuré que…

calabazas.

Que, — quoi, s’il vous plaît ?

silvia.

…Que vous me poursuivez, car celui qui me suit me poursuit[1].

calabazas.

Vive Dieu ! je sais maintenant ce qui en est.

silvia.

Que savez-vous ?

calabazas.

La raison pourquoi vous ne voulez ni l’une ni l’autre soulever votre mante.

silvia.

Et quelle est cette raison ?

calabazas.

C’est que vous avez toutes deux le plus laid visage du monde.

silvia.

Pas si laids que les vôtres, mon bel ami.

calabazas.

Je vous en souhaite… Moi qui suis un Cupidon !

silvia.

Non pas ! nous sommes un Cupidon à nous deux.

calabazas.

De quelle manière donc, ma déesse ?

silvia.

Vous, vous êtes la première syllabe de ce mot, et moi les deux dernières.

calabazas.

Ce partage ne me va pas[2].

marcela, à Lisardo.

Fiez-vous-en à moi ; je vous le promets de nouveau.

lisardo.

Si vous voulez que je croie à une telle promesse, laissez du moins un gage à mon espoir, permettez que je vous voie.

marcela.

Eh bien ! tenez, regardez.

Elle soulève sa mante.
lisardo.

Oh ! madame, en vérité, c’est une perfidie, une trahison !… Com-

  1. Le mot perseguir, poursuivre, signifie aussi en espagnol persécuter
  2. Cupido somos yo y tù.
    — Como ? — Io el pido y tu el cu.
    — No me esta bien el partido.

    Il y a ici une plaisanterie qu’il est impossible de traduire. Nous craignons fort, malgré nos précautions, de l’avoir rendue grossièrement ; et elle a en espagnol beaucoup de grâce, par cela même peut-être qu’elle n’a pas de sens précis. Cependant, à la rigueur, el pido signifie la demande.