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voulez pas qu’on dise que vous traitez avec une égale rigueur et celui qui est fier et celui qui est humble.

clairon.

Et si ni la Fierté ni l’Humilité, — ces personnages si importants et si écoutés dans les autos[1], — ne peuvent toucher votre cœur, moi qui ne suis ni fier ni humble, mais un milieu entre les deux, je vous prie de vouloir bien nous protéger.

clotaldo.

Holà !

des soldats.

Seigneur ?

clotaldo.

Otez-leur à tous deux leurs armes, et bandez-leur les yeux, afin qu’ils ne voient pas où on les emmène.

rosaura.

Voici mon épée. C’est à vous seul que je la remets, car vous êtes ici le chef ; et je ne voudrais pas la rendre à un homme moins considérable.

clairon.

Pour la mienne, je puis vraiment la rendre au premier venu. (Aux soldats.) Tenez, prenez.

rosaura.

Et si je dois mourir, je veux, en reconnaissance de cette grâce, vous laisser ce gage d’un grand prix, à cause du héros qui l’a portée. Gardez-la bien, je vous le recommande ; car si je ne sais pas précisément quel secret est attaché à cette épée, je sais qu’elle enferme de grands mystères, et je savais que je pouvais compter sur elle pour venir en Pologne me venger d’un affreux outrage.

clotaldo, à part.

Saints du ciel ! qu’est ceci ? Mes ennuis, mes peines, mes chagrins pouvaient donc augmenter ! (À Rosaura.) Qui te l’a donnée, cette épée ?

rosaura.

Une femme.

clotaldo.

Son nom ?

rosaura.

Je dois le taire.

clotaldo.

Dis-moi donc au moins sur quoi tu te fondes pour penser qu’il y ait un secret en cette épée ?

rosaura.

La personne qui me l’a donnée m’a dit : « Pars pour la Pologne, et tâche, par ruse et adresse, que les nobles et les principaux du

  1. En effet, l’Humilité et l’Orgueil (la Humildad et la Soberbia) jouent souvent un rôle dans les autos de Calderon