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DE MAL EN PIS.

don césar.

Je vous obéis, seigneur, comme c’est mon devoir.

Ils s’asseyent.
le gouverneur.

Vous saurez, don César, que j’ai été en ma jeunesse le grand ami de don Alfonse Colona ; je viens donc vous parler, non pas en juge, mais conduit près de vous par l’intérêt que je porte à sa personne et à son honneur. Lui-même a exigé mon entremise en cette occurrence. Donc, mon ami, en homme sage, faisant de nécessité vertu, a sollicité là-bas votre pardon ; il l’a obtenu et vous l’envoie sous ce pli. Il se flatte qu’après cela vous consentirez à rétablir son honneur. Il dit enfin que, pourvu que vous reveniez auprès de lui marié avec sa fille, vous pouvez y retourner sans nul souci, qu’il vous recevra à bras ouverts comme le père le plus tendre,

don césar.

Vous agissez, seigneur, comme celui que vous êtes, et vous m’imposez des obligations éternelles. La jalousie fut cause d’une fureur insensée ; je suis complètement désabusé aujourd’hui ; et ainsi j’appartiens désormais tout entier à la belle Flerida, et je suis prêt à lui donner ma main.

le gouverneur.

Alors ce ne sera pas plus tard que cette nuit.

don césar.

Est-ce que vous avez procuration pour cela ?

le gouverneur.

À quoi bon, si vous êtes ici présens l’un et l’autre ?

don césar.

Quoi ! Flerida ici !… Comment donc, de grâce ?

le gouverneur.

Vous n’y songez donc pas ! Oubliez-vous qu’elle est en ma maison ?

don césar.

Je l’ignorais, seigneur.

le gouverneur.

Allons donc ! ne l’ai-je pas trouvée avec nous le jour que je vous arrêtai ?

don césar.

Quel bizarre malentendu ! Vous vous trompez, seigneur, en croyant que cette dame est Flerida. Vive le ciel ! ce n’est pas elle.

le gouverneur.

Comment un sien valet qui la vue m’aurait-il menti ? Comment le dirait-elle pareillement ?

don césar.

Vous aurez sans doute chez vous une autre prisonnière.

le gouverneur.

Non pas ! je n’ai que cette dame qui était avec vous au jardin