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JOURNÉE III, SCÈNE I.

lisarda.

Mon infortune est telle, que, jusque dans les moindres choses, le bien se convertit en mal.

celia.

Cela ne signifie rien, pour vous en affecter.

lisarda.

Non, Celia, il faut que je sache enfin à quoi m’en tenir. J’en avais le projet ce matin déjà. Je lui ai écrit une lettre par laquelle je lui dis que si, par un moyen quelconque, il peut s’échapper aujourd’hui de prison, j’irai le rejoindre où il voudra. J’ai feint dans cette lettre que moi-même je corromprais mes gardes

celia.

À la bonne heure !

lisarda.

Et en quelque endroit qu’il me donne rendez-vous, j’emmènerai avec moi cette dame : et si mon malheur veut que ce cavalier soit le sien, je renoncerai à ma passion ; et si ce n’est pas lui, mon amour vaincra tous les obstacles.

celia.

Eh ! madame, vous savez bien que s’il vous voit toutes deux en présence, ce n’est pas elle à qui ce nouveau Paris donnera la pomme, et que vous le quitterez apaisée.

lisarda.

Tu me flattes, Celia.

celia.

Non, madame.


Entre FLERIDA avec sa mante.
lisarda.

Où allez-vous donc ainsi, Laura ?

flerida.

Avec votre permission, madame, je vais à une prison où est mon âme.

lisarda, à part.

Non, je ne puis souffrir qu’elle aille le trouver, quand j’ignore encore si c’est lui. (Haut.) Eh quoi ! suffit-il dans une maison comme la nôtre de prendre sa mante et de dire : Je vais où il me plaît ?

flerida.

Je suis tellement préoccupée de mes peines, madame, qu’elles ne me laissent pas le loisir de réfléchir avec attention. Puis, je suis bien venue de Naples ici ; il n’y aura rien d’extraordinaire à ce que j’aille d’ici à la tour.

lisarda.

Ce sont les personnes chez qui vous êtes qui répondent mainte-