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JOURNÉE III, SCÈNE I.

médiatrice dont vous vous prévalez contre moi… Voyez maintenant si j’ai raison de me plaindre, lorsque, ami déloyal et ingrat, vous outragez mon honneur, mon amitié et ma confiance !

don césar.

Si l’un de nous ici est offensé par l’autre, c’est moi, don Juan, moi que vous accusez de trahison, de perfidie, moi qui considère l’amitié comme un autel sacré sur lequel je sacrifie en ce moment les ressentimens de mon âme. Je n’ai pas offensé votre honneur. Si j’ai osé pénétrer dans cette maison, c’est qu’il y demeure une dame qui a été arrêtée récemment avec moi ; cela devait suffire pour que j’y vinsse la voir quand elle m’appelait. Quant à l’amitié, ç’a été par délicatesse que je me suis caché de vous ; plein de ménagement pour celle qui devait être votre épouse, je n’ai point voulu vous dire qu’il habitât chez elle une femme à laquelle je rendais des soins. Et pour la confiance, j’en ai en vous une telle, que j’ai eu peur de vous déplaire si je vous avouais seulement mon dessein. Et c’est pourquoi soyez satisfait, car c’est vous qui m’accusez à tort.

don juan.

Ces explications ne me suffisent pas ; donnez-moi jusqu’à demain pour vous répondre.

don césar.

Volontiers. Vous me retrouverez là-bas dans ma prison.

don juan.

Veuillez m’y attendre.

don césar.

Donc à demain ; adieu.

don juan.

Adieu donc ; à demain.



JOURNÉE TROISIÈME.


Scène I.

Le palais du gouverneur. Une galerie.
don juan, seul.

Depuis que la froide aurore s’est réveillée blanche et pâle, en disant au soleil que c’est l’heure qu’il se lève et que le jour paraisse. — je suis enchaîné par mes soucis au seuil de cette porte… Je n’ai pas de meilleur moyen de vérifier mes cruels soupçons… Je parlerai à cette prisonnière avant qu’on lui donne aucune lettre, aucun avis… Il faut que je lui parle avant qu’elle soit prévenue, moi qui voudrais voir, au prix même de ma vie, mon désabusement… Si en l’imaginant je meurs, que je meure en le sachant… et si j’ap-