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JOURNÉE II, SCÈNE IV.

don césar.

J’ai fini de lire. (À Celia.) Vous direz à ma belle prisonnière que, suivant son ordre, j’irai la voir cette nuit.

celia.

Bien, seigneur. — Que le ciel vous garde !

Elle sort.
camacho, criant.

Adieu, donzelle ! Vous direz à votre maîtresse qu’elle ne soit pas trop orgueilleuse de ce qu’elle sert à effacer.

don césar.

Cesse donc de plaisanter.

camacho.

Alors je vous demanderai sérieusement ce qu’on vous dit par cette lettre ?

don césar.

Que j’aille la voir ce soir ; qu’après avoir gagné les suivantes de la fille du gouverneur, elle se hasarde à me recevoir dans sa chambre. On ajoute à cela deux ou trois mille recommandations aussi extravagantes les unes que les autres, comme, par exemple, que je n’emmène personne avec moi, que je ne me confie à personne, et les autres que tu devines.

camacho.

Et vous à cela vous répondez tranquillement que vous irez, comme si vous aviez les clefs de la Tour dans votre secrétaire.

don césar.

Qui m’en empêchera ?

camacho.

Les gardes.

don césar.

Va, le son de l’or est une douce musique qui endort les plus vigilans.


Entre DON JUAN.
don juan.

Je viens vous apporter des condoléances et recevoir de vous des félicitations, afin que les unes se tempèrent par les autres. Les naturalistes racontent de deux certaines plantes que chacune d’elles, prise à part, est un poison, et que, quand on mêle ensemble leurs sucs, elles se neutralisent ou se corrigent de telle sorte l’une l’autre qu’elles deviennent une nourriture bienfaisante. Votre malheur et mon bonheur sont de même deux poisons qui, séparés, nous tueraient tous deux, vous par le chagrin, moi par le plaisir. Et ainsi mêlons nos richesses, tempérons mon bien par votre mal et mon mal par votre bien.

don césar.

Vous paraissez bien joyeux, don Juan.