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JOURNÉE I, SCÈNE II.

lisarda, à part.

Mon père !… Que le ciel me protège !… Quand il me parlait ainsi sur l’honneur, ce matin, c’était un avertissement.

don césar.

Que décider ? que faire ?

camacho.

Rendez-vous sans délai à la rivière, et — en avant la rame et le bateau !

don césar.

Adieu, belle dame.

lisarda.

Quoi ! vous partez ?

don césar.

Je ne puis, madame, attendre davantage. Il importe que je fuie un malheur.

lisarda.

Le mien, seigneur, s’accomplira bientôt si vous vous en allez.

don césar.

Qu’ordonnez-vous ?

lisarda.

Si vous êtes cavalier, ainsi que tout en vous me l’annonce, n’abandonnez pas ainsi une femme qui risque de perdre la vie et l’honneur parce que seulement elle est venue vous voir… Je suis d’un rang plus élevé que vous ne le pensez… Si vous me laissez ici sans secours, je donnerai au monde par ma mort une éclatante instruction… Ce n’est pas vous, c’est moi qu’on cherche… Je suis la fille de… Je n’ai pas la force d’achever… On enfonce la porte… Hélas ! hélas !…

don césar, à part.

Il y a du pire ! et je n’imaginais pas qu’il y en pût avoir… Je n’ai plus à songer qu’à mourir… La même faute ne doit pas se commettre deux fois… Il ne faut pas que l’on dise de moi que j’abandonne toujours les dames dans le danger. (Haut, à Lisarda.) Madame !… je vous donne ma parole qu’on me tuera ici plutôt que votre vie et votre honneur soient compromis. Entrez donc vous cacher, entrez vite, tandis que je reste a vous garder… Vous n’avez rien à craindre, madame… quand on m’aura trouvé, soyez assurée qu’on ne vous cherchera pas ; car c’est moi que l’on cherche.

lisarda, fuyant.

Allons, Celia, suis-moi !

celia, fuyant.

Ô mon Dieu ! madame, mes pantoufles !

Celia perd ses pantoufles en fuyant.
don césar.

Ramasse ces pantoufles, Camacho.