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DE MAL EN PIS.

lisarda.

Vous en avez le pouvoir ; mais alors vous risquez de ne pas me voir après, une autre fois.

don césar.

En vérité, c’est l’aventure de l’Amour et de Psyché qui en ces lieux se renouvelle, mais au rebours ; car autrefois, dit-on, l’Amour se déguisa pour aller voir Psyché, et aujourd’hui c’est Psyché qui se déguise pendant que mon amour se montre à découvert… De grâce, madame, je vous prie, déposez cette mante qui cache à mes yeux vos attraits comme un nuage obscur. Si la beauté est un ciel, à ce qu’on dit communément, souffrez que j’admire, que je contemple le ciel divin de votre beauté. Ô la plus charmante des déesses ! soulevez ce voile importun qui vous dérobe à mes regards !

lisarda.

Puisque vous employez tant d’esprit à me persuader et que vous me comparez aux déesses, il est bon de vous rappeler qu’on les représente toujours comme entourées de légères vapeurs ; et si vous me pressez, je vous prouverai que je connais mes devoirs de déesse, car je me dissiperai en fumée et ne reviendrai plus.

don césar.

Eh bien ! que vous reveniez ou non, il faut que je vous voie.

lisarda.

Absolument ?

don césar.

Absolument.

lisarda, se découvrant.

Voyez-moi donc.

don césar.

Ah ! madame.

lisarda.

Vous m’avez vue ?

don césar.

Oui, madame, et mes yeux sont éblouis de tant d’éclat ! Je sais maintenant pourquoi vous refusiez à un faible mortel… (Il se fait un grand bruit derrière le théâtre.) Mais quel est ce bruit ?

lisarda.

J’entends une foule de voix confuses.


Entre FABIO.
don césar.

Qu’est-ce donc, Fabio ?

fabio.

Seigneur, fuyez au plus tôt vers la mer… Ce bruit, c’est le gouverneur qui vous vient chercher.

don césar, à part.

Il aura été averti que j’étais ici.