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L’ALCADE DE ZALAMÉA.

le roi.

Comment donc avez-vous eu cette audace ?

crespo.

Vous-même, sire, avez dit que la sentence avait été bien rendue ; il n’y a donc pas eu de mal à l’exécuter.

le roi.

Le conseil n’aurait-il pas su la faire exécuter tout aussi bien ?

crespo.

Toute votre justice, sire, ne forme qu’un seul corps. Si ce corps a plusieurs bras, quel inconvénient y a-t-il à ce que ma main exécute le jugement qu’une autre aurait exécuté ? et qu’importe un léger vice de forme alors que la raison et l’équité sont satisfaites ?

le roi.

Puisqu’il en est ainsi, pourquoi ne lui avez-vous pas fait trancher la tête comme étant capitaine et gentilhomme ?

crespo.

Puisque vous le demandez, sire, c’est que, comme nos gentilshommes se conduisent tous bien, notre bourreau n’a pas pu apprendre sur eux l’art de décapiter. D’ailleurs, ceci regarde le mort. Quand il réclamera, nous verrons ; jusque là, personne n’a le droit de se plaindre pour lui.

le roi.

Don Lope, puisque c’est fait, et que la mort a été justement prononcée, nous ne devons pas insister sur le défaut de forme. Faites partir sans délai tous vos soldats ; je suis pressé d’arriver au plus tôt en Portugal. (À Crespo.) Vous, je vous nomme à perpétuité alcade de ce bourg.

crespo.

Sire, vous seul savez honorer la justice.

Le roi sort.
don lope.

Rendez grâces à l’heureuse arrivée de sa majesté.

crespo.

Par Dieu ! quand bien même le roi ne serait pas venu, il n’y avait plus de remède.

don lope.

N’eût-il pas mieux valu vous adresser à moi ? Si vous m’aviez rendu le prisonnier, je lui aurais fait réparer l’honneur de votre fille.

crespo.

Elle entrera dans un couvent qu’elle-même a choisi. Son nouvel époux ne regarde pas à la qualité.

don lope.

Eh bien ! rendez-moi les autres prisonniers.

crespo, au Greffier.

Qu’on les fasse sortir à l’instant.