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NOTICE SUR CALDERON.

soudaine et si complète de cette comédie ? Eh ! mon Dieu ! à ces causes générales qui déjà auparavant avaient eu tant d’influence sur les lettres et les arts, comme sur la destinée d’autres peuples non moins illustres, non moins glorieux ! — Pourquoi, cinquante ans après la conquête macédonienne, n’y a-t-il plus ni grands philosophes, ni grands historiens, ni grands orateurs, ni grands poètes, ni grands artistes dans cette Athènes naguère si féconde ? Pourquoi, à Rome, la décadence des lettres latines commence-t-elle immédiatement dans le siècle qui suit celui d’Auguste ? Pourquoi, dès le xviie siècle, après Salvador Rosa, n’y a-t-il plus de peinture dans cette Italie qui venait de posséder à la fois tant d’écoles florissantes ?… Et si l’on nous demande d’indiquer en outre les causes particulières qui ont eu une action fâcheuse sur la comédie espagnole, nous dirons : d’abord, le bigotisme aveugle du roi Charles II, et ensuite, et surtout, l’avènement de Philippe V au trône d’Espagne.

Car ce qui avait fait la force des poètes espagnols c’était leur nationalité ardente, leur patriotisme exclusif. Pas plus que leur pays, ils n’avaient jamais subi l’influence étrangère. Mais lorsque le petit-fils de Louis XIV vint régner en Espagne, avec ce prince pénétrèrent dans la péninsule les idées et les mœurs françaises, d’autres vues littéraires, un autre système dramatique ; et comme il n’y avait plus de Pyrénées, il n’y eut plus de comédie espagnole.

Mais, chose remarquable ! ce théâtre espagnol si original, si national, et qui a fini si promptement, ce théâtre a fécondé tous les théâtres de l’Europe ; et Calderon, en particulier, a eu sur la littérature dramatique européenne une influence immense qui jusqu’ici, ce nous semble, n’a pas été suffisamment appréciée. À Calderon se rattachent d’une manière plus ou moins directe, soit pour des sujets d’ouvrages, soit pour le développement de quelque qualité, la plupart des poètes dramatiques français du xviie siècle, et, dans le XVIIIe, Beaumarchais, qui lui a dérobé ses situations les plus piquantes. Dès son vivant, sous la restauration de Charles II, Calderon a défrayé en partie le théâtre anglais. Au XVIIIe siècle il inspirait les poètes italiens, et entre autres le célèbre Gozzi. Enfin, au commencement de ce siècle, en Allemagne, les écrivains les plus distingués, les poètes les plus illustres, à