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JOURNÉE III, SCÈNE III.

ment. (À part.) De cette façon j’assure sa vie ; et l’on dira que c’est une singulière justice que la mienne.

juan.

Écoutez du moins ma défense. J’ai blessé un traître, et je voulais aussi tuer ma sœur.

crespo.

Je le sais. Mais il ne suffit pas que je le sache comme particulier ; c’est comme alcade que je dois le savoir, et pour cela il faut que je fasse une information sur l’événement. Jusqu’à ce que l’instruction ait tout éclairci, tu resteras en prison. (À part.) Il me sera facile de le justifier.

juan.

Il est impossible de rien comprendre à votre manière d’agir. Votre honneur est perdu, et vous faites arrêter celui qui veut vous le rendre, tandis que vous gardez près de vous celle qui l’a compromis !

On emmène Juan prisonnier.
crespo.

Isabelle, viens signer ta plainte contre celui qui t’a outragée.

isabelle.

Eh quoi ! mon père, cette offense que vous deviez ensevelir dans un silence éternel, vous ne craignez pas de la rendre publique ? Puisqu’il ne vous est pas permis de la venger, tâchez au moins de la taire. Dispensez-moi, je vous prie, d’une aussi pénible formalité, et croyez bien que j’ai d’autres moyens de réparer mon honneur.

Elle sort.
crespo.

Inès, donne-moi mon bâton d’alcade. Puisqu’elle ne veut pas se rendre à la douceur, je l’amènerai de force où je veux.

don lope, du dehors.

Arrête, cocher !

crespo.

Qu’est ceci ? qui donc descend devant ma maison ?… qui donc entre chez moi ?


Entre DON LOPE.
don lope.

C’est moi, Pedro Crespo. J’étais déjà à la moitié du chemin, et je suis obligé de revenir ici pour une affaire qui m’ennuie passablement. Comptant sur votre amitié, je n’ai pas voulu descendre ailleurs que chez vous.

crespo.

Dieu vous garde, pour l’honneur que vous voulez bien me faire !

don lope.

On n’a point vu là-bas votre fils.