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L’ALCADE DE ZALAMÉA.

mendo.

Ah ! jalousie ! peine cruelle !… Je les chasserais bien tous à coups d’épée : mais je dois cacher mon mécontentement jusqu’à ce que je sache s’il y a en ceci de sa faute.

nuño.

En ce cas, nous pouvons nous asseoir.

mendo.

Oui ; de cette façon je ne serai pas reconnu.

rebolledo.

L’homme s’est assis. On dirait une âme en peine qui rôde la nuit pour expier ses fautes. Il a un bouclier. — Allons, l’Étincelle, en avant une petite chanson qui nous ragaillardisse.

l’étincelle.

Je ne demande pas mieux.


Entrent DON LOPE et CRESPO, chacun d’un côté différent et l’épée à la main.
l’étincelle, chantant.

Vous connaissez Sampayo,
La fleur des Andaloux,
Le faraud de meilleure mine,
Et le plus célèbre des rufiens.
Un jour il trouva la Criarde[1],
Le soir à l’entrée de la nuit,
Qui causait avec le beau Garlo
Dans le coin d’un cabaret.
Et Garlo, comme vous savez,
Est un bon et franc luron
Qui n’entend pas la plaisanterie,
Et ne se laisse pas marcher sur le pied.
Il tira donc aussitôt son épée,
Et frappant d’estoc et de taille…


Don Lope et Crespo se précipitent sur les chanteurs, l’épée à la main.
crespo.

Ce fut de cette manière.

don lope.

Il s’y prit de la sorte. (Les chanteurs fuient dispersés.) Les voilà en déroute. (Apercevant Pedro Crespo.) Mais non ; en voici un qui l’obstiné a rester.

crespo.

Celui-ci qui tient ferme est sans doute quelque soldat.

don lope.

Celui-là aura aussi son affaire.

  1. Il y a ici une plaisanterie, une grâce, qui tient en grande partie à la versification et qu’il serait impossible de reproduire. C’est, à peu près, comme si l’Étincelle venait de chanter : « Il rencontra l’autre jour Gérardi », et que Ribolledo l’interrompît immédiatement en disant aux autres soldats : « La rime veut que ce fut un mardi. »