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JOURNÉE I, SCÈNE III.

crespo.

Oui, vive Dieu ! mais, quand il aurait été général, s’il eût offensé mon honneur, je l’aurais tué.

don lope.

Si quelqu’un s’avisait de toucher le poil seulement du dernier de mes soldats, vive le ciel ! je le ferais pendre.

crespo.

Et moi de même, si quelqu’un s’avisait seulement d’essayer de porter atteinte à mon honneur, vive le ciel ! je le ferais pendre également.

don lope.

Savez-vous qu’étant ce que vous êtes, il y a pour vous obligation de supporter ces charges ?

crespo.

Oui, avec mon argent ; mais avec mon honneur, non. Au roi, je suis prêt à donner mon bien et ma vie ; mais l’honneur est le patrimoine de l’âme, et l’âme on ne la doit qu’à Dieu !

don lope.

Vive le Christ ! vous pourriez avoir raison.

crespo.

C’est que, vive le Christ ! je n’ai jamais tort.

don lope.

Je suis fatigué, et cette jambe, que le diable m’a donnée, a besoin de repos.

crespo.

Qui vous dit le contraire ? À moi le diable m’a donné un lit, et il sera pour vous.

don lope.

Et le diable l’a-t-il fait, votre lit ?

crespo.

Sans doute.

don lope.

Eh bien ! je m’en vais le défaire, car, vive Dieu ! je suis fatigué.

crespo.

Eh bien, vive Dieu ! reposez-vous.

don lope, à part.

Le vilain est têtu, et il jure autant que moi.

crespo, à part.

Le don Lope m’a l’air mauvais coucheur, et nous aurons peine à nous entendre.