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L’ALCADE DE ZALAMÉA.

juan, à part.

Vive le ciel ! tout ceci n’a été qu’une ruse pour pénétrer dans cet appartement. J’enrage au fond de l’âme que l’on puisse penser que je donne là-dedans ; il n’en sera pas ainsi ! (Haut.) Seigneur capitaine, vous auriez dû mieux apprécier le désir qu’à mon père de vous être agréable, et lui épargner une insulte.

crespo, à Juan.

De quel droit vous mêlez-vous de ce qui ne vous regarde pas, drôle ? et que parlez-vous d’insulte ? Si le soldat lui a manqué, n’était-il pas tout simple qu’il courût à sa poursuite ?… Ma fille, votre sœur, est fort sensible à la générosité avec laquelle il a traité ce malheureux ; et moi, je le suis également des égards qu’il a eus pour ma fille.

le capitaine, à Juan.

Il est clair que je n’ai pas eu d’autre motif, et je vous engage à mieux peser vos paroles.

juan.

J’ai bien vu ce qui en est.

crespo.

Ne parlez pas ainsi.

le capitaine.

Qu’il rende grâces à votre précence si je ne le châtie pas comme il mérite.

crespo.

Un moment, seigneur capitaine ! Moi, j’ai le droit de châtier mon fils si je le veux, et vous, vous ne l’avez pas !

juan.

Et moi, je puis tout souffrir de mon père, mais d’un autre je ne souffre rien.

le capitaine.

Que feriez-vous donc ?

juan.

Je défendrais mon honneur, dussé-je y périr.

le capitaine.

Eh quoi ! un vilain a donc de l’honneur ?

juan.

Tout comme vous ! car s’il n’y avait pas de laboureurs, il n’y aurait pas de capitaines.

le capitaine.

Vive Dieu ! j’en ai trop entendu.

Tous trois tirent l’épée.
crespo.

Voyez ! je me mets entre vous.

rebolledo.

Vive le Christ ! Vois-tu, l’Étincelle, il va y avoir du grabuge.