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LA DÉVOTION À LA CROIX.

j’ai toujours adorée avec une dévotion particulière, ne permets pas, je t’en supplie, que je meure sans confession. Je ne serai point le premier malfaiteur qui, sur toi placé, se soit confessé à Dieu. Et puisqu’un autre l’a fait avant moi, et qu’il a ainsi obtenu la rémission de ses péchés, je profiterai, moi aussi, de la puissance de rédemption que tu possèdes[1]. Lisardo, lorsque offensé par toi j’étais libre de te donner la mort, je te permis de te confesser avant que tu ne rendisses le dernier soupir ; et toi, vieux Alberto, tu me promis que je ne mourrais pas sans confession. J’invoque donc votre pitié a tous deux. Songe, Lisardo, que je meurs ; songe, Alberto, que je t’appelle.


Entre CURCIO.
curcio.

Il doit être de ce côté.

eusebio.

Si vous venez pour me tuer, il ne vous sera pas difficile d’achever un homme qui est déjà à demi mort.

curcio.

Comment n’être pas attendri en voyant tout ce sang ? — Eusebio, rendez votre épée.

eusebio.

À qui ?

curcio.

À Curcio.

eusebio.

La voici. — Et moi-même, à vos pieds, je vous demande pardon de mes torts. Je ne puis parler davantage ; ma blessure m’en ôte la force, et je sens mon âme qui se plonge dans des ténèbres d’horreur.

curcio.

J’en suis tout ému. — Ne pensez-vous pas qu’il y ait encore des moyens de vous guérir ?

eusebio.

Je n’ai de secours à souhaiter que les secours divins… pour mon âme.

curcio.

Où est cette blessure ?

eusebio.

À la poitrine.

curcio.

Laissez-moi la toucher de ma main… Mais, quoi ! quelle est cette marque que j’y sens empreinte ? Quelle est cette image que je trouve gravée sur votre sein ? En la reconnaissant, toute mon âme s’est troublée.

  1. Il y a évidemment dans ce passage une allusion au bon larron mort à la droite du Christ.