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JOURNÉE II, SCÈNE I.

fait ni rien dit, il vous tuera sur-le-champ ; ensuite il vous enterrera ; puis il vous mettra dessus une croix, et il pensera que vous lui devez, pour la peine, de la reconnaissance.


Entrent RICARDO et CELIO
ricardo.

Où l’as-tu laissé ?

celio.

Ici.

gil.

Croyez-moi, n’attendez pas ce voleur.

ricardo.

Que voulez-vous, Eusebio ?

gil, bas, à Menga.

Ne l’a-t-il pas appelé Eusebio ?

menga, bas, à Gil.

Oui.

eusebio, à Gil et à Menga.

En effet, mes amis, c’est moi qui suis Eusebio… Qu’avez-vous donc contre moi ? Vous ne répondez pas ?

menga.

Allons, Gil, toi qui as la fronde et le bâton.

gil.

J’ai le diable qui t’emporte !

celio.

Dans la paisible vallée qui est entre la montagne et la mer, j’ai vu une foule de paysans armés qui viennent contre vous, et qui ne tarderont pas à paraître. C’est Curcio, je pense, qui les conduit, avec le désir de se venger. Voyez ce que nous devons faire : le mieux ne serait-il pas de réunir la troupe et de partir ?

eusebio.

Oui, partons ; j’ai pour cette nuit un projet important. Venez tous deux avec moi, vous, mes plus chers compagnons, à qui je me confie de préférence.

ricardo.

Vous avez bien raison, vive Dieu !… car je me ferais tuer pour vous s’il le fallait.

eusebio, à Gil et à Menga.

Drôles que vous êtes, je vous laisse la vie à condition que vous porterez de ma part un message à Curcio. Vous lui direz que moi et ma brave troupe nous ne voulons pas l’attaquer et ne cherchons qu’à nous défendre ; qu’il n’a aucun motif de me persécuter comme il fait, puisque je n’ai point donné la mort à son fils par trahison ; que je l’ai tué en nous battant corps à corps, à armes égales, et qu’avant qu’il eût rendu le dernier soupir, je l’ai porté dans mes bras en un lieu où il pût se confesser ; que son père devrait m’en