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LA DÉVOTION À LA CROIX.

menga.

Qui l’a tué ?

gil.

Que sais-je ?

tirso.

Qui est mort ?

gil.

Je ne le sais pas non plus.

toribio.

Qui a-t-on chargé sur ses épaules ?

gil.

Je n’en sais pas davantage.

blas.

Et qui l’a emporté ?

gil.

Qui vous voudrez. Mais si vous êtes curieux d’en savoir plus long, venez tous avec moi.

tirso.

Où nous conduis-tu ?

gil.

Je ne sais, mais venez ; car tous deux vont ici prés.

Ils sortent tous.

Scène II.

Une chambre dans la maison de Curcio.
Entrent JULIA et ARMINDE.
julia.

Laisse-moi pleurer ma liberté perdue, Arminde, et console-moi en me disant que le terme de ma vie sera le terme de mes chagrins. N’as-tu jamais vu un ruisseau tranquille traverser doucement la campagne, et au moment où l’on croirait qu’il ne peut plus avancer, reparaitre plus vif, plus fougueux, et renverser toutes les fleurs charmantes qu’il rencontre en son passage ? Eh bien ! il en est de même de mes peines et de mes ennuis : long-temps contenus dans mon cœur, ils ont fini par se frayer un passage, et s’échappent de mes en larmes abondantes. Laisse-moi pleurer la rigueur de mon père.

arminde.

Mais, madame, veuillez considérer…

julia.

Est-il un sort plus heureux que de mourir de douleur ? Une peine qui nous ôte la vie devient une gloire ; car il n’y a que les grandes peines qui ôtent la vie.

arminde.

Quel nouveau sujet de chagrin avez-vous donc ?