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LE MÉDECIN DE SON HONNEUR.

le roi.

Taisez-vous, infant, pour la dernière fois, taisez-vous ! ou vive Dieu !… — Je sais que vous ne me dites cela que pour vous excuser. Mais laissons tous ces détails, et venons au but. Connaissez-vous ce poignard ?

l’infant.

Oui, sire ; il est a moi.

le roi.

Vous l’avez donc oublié quelque part !

l’infant.

Un soir, en rentrant au palais, je me suis aperçu que je ne l’avais plus.

le roi.

Ou est-ce que vous l’avez perdu ?

l’infant.

Sire, je ne sais.

le roi.

Eh bien ! je le sais, moi ! — Vous l’avez perdu en un lieu où il aurait pu arriver qu’il fut plongé dans votre sein, si celui qui l’a trouvé n’était pas le plus loyal et le plus noble des vassaux. — Vous devinez sans doute, à cette heure, qu’il demande vengeance l’homme qui, outragé par vous, ne s’est pas vengé lui-même. — Regardez bien ce poignard, infant don Henri ; c’est un témoin qui dépose solenellement contre vous et que je dois entendre. — Prenez ce poignard, et mirez-vous dans son acier poli ; vous y verrez le visage d’un traître.

l’infant.

Sire, la fureur ou vous êtes m’empêche de vous répondre. J’en suis si troublé que…

le roi.

Prenez ce poignard, vous dis-je !

En prenant le poignard, l’Infant blesse le Roi à la main.
l’infant.

Ah ! sire.

le roi.

Qu’avez-vous fait, malheureux ?… Oui, vous êtes un traître !

l’infant.

Il n’y a pas eu de ma faute, sire.

le roi.

Quoi ! vous n’épargnez pas même votre frère et votre roi !… Vous voulez me tuer ! vous tournez contre moi le poignard que je vous ai donné.

l’infant.

Comment votre majesté peut-elle m’accuser d’une intention si criminelle ?