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JOURNÉE III, SCÈNE V.

don félix.

Oui, je suis le seul au monde qui ait amené un autre galant vers sa dame. — Mes paroles vous offensent, n’est-ce pas ?

laura.

La défaite n’est pas mauvaise… vous jouez votre rôle dans la perfection, comme un homme habitué à feindre. Convaincu par ma présence que vous m’avez prise pour une autre amenée ici par vous, vous continuez avec moi hardiment les plaintes que vous aviez entamées avec elle.

don félix.

C’est un peu fort, madame !… Il ne manquait plus que cela !… Comment ! vous prétendriez me faire accroire que je parlais avec une autre femme tout à l’heure, moi ?

laura.

Oui, don Félix ; parce qu’il en est ainsi.

don félix.

Où est donc alors cette femme avec laquelle je parlais ?

laura.

Si une maison à deux portes est difficile à garder, une chambre à deux portes ne l’est pas moins.

don félix.

Que voulez-vous dire par là ?

laura.

Qu’elle est sortie.

don félix.

Qui donc ?

laura.

L’autre femme.

don félix.

Pour Dieu ! Laura, éloignez-vous, laissez-moi. Vous me feriez perdre la raison. — Quoi ! je ne vous ai pas conduite ici ?… Votre père n’était pas dehors ?… et Lisardo… Je ne puis achever.

laura.

Vous vous trompez, don Félix. J’ai passé la nuit ici, cachée dans la chambre de votre sœur, dans le but de vous épier. Elle, pendant ce temps…

don félix.

Il faut que cela s’éclaircisse. (Appelant.) Marcela ! ma sœur !

marcela, à part.

Il importe de feindre. (Haut.) Que me voulez-vous ?


Entre MARCELA.
don félix.

Dites-moi ; Laura a-t-elle passé cette nuit avec vous ?

marcela.

Si Laura a passé la nuit avec moi ?… Mais non… Je devais al-