Page:Cahiers du Cercle Proudhon, cahier 1, 1912.djvu/49

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


UN PORTRAIT DU « MAGISTRAT SUPRÊME » QUI INAUGURA LE MONUMENT PROUDHON A BESANÇON


Voici l’appréciation de M. Jacques Delebecque à laquelle Charles Maurras fait allusion dans l’article que nous reproduisons. La page à laquelle renvoyait Maurras avait paru, dans le Réveil de l’Oise, sous le titre « Magistrat suprême ». C’était un portrait tracé de main de maître et une forte définition de la fonction remplie par le malheureux délégué d’un parti à la « suprême magistrature » qui osait à ce moment faire à Proudhon l’injure de l’ « honorer » :


Par une série de décisions scandaleuses, prises en faveur de misérables, indignes de toute pitié, M. Fallières vient de ramener à lui l’attention publique qui ne demandait pourtant qu’à se détourner de ce peu intéressant sujet. Ce singulier chef d’État, abrité derrière son irresponsabilité, semble avoir à cœur de braver l’opinion, surtout quand cette-ci est manifestement d’accord avec la raison et l’équité. Il a laissé exécuter Liabeuf, dont le cas pouvait se discuter. Il a sauvé la vie de trois gredins pour lesquels on ne pouvait vraiment invoquer aucune circonstance atténuante.

Seuls les mobiles les plus bas ont le pouvoir de le tirer de son habituelle torpeur ; il n’agit que poussé par peur ou par une sournoise rancune. Voyez son attitude dans le procès de la Haute-Cour, sa férocité à l’égard de Jean Mattis, sa récente conduite dans l’affaire de Gustave Téry. Quand sa personne est attaquée ou qu’il la croit menacée, il devient impitoyable. Dans toutes les autres circonstances, il demeure indifférent, d’une indifférence que rien ne peut ébranler et qui choque tous ceux, à quelque parti qu’ils appartiennent, qui ont conservé le sentiment de la dignité nationale.

Tel qu’il est, le président de la République nous paraît éminemment représentatif du gouvernement, à la tête duquel l’ont placé les circonstances et surtout la conviction bien établie qu’on avait de sa nullité intellectuelle. Un personnage revêtu de quelque prestige, doué de certains avantagea extérieurs, ou seulement animé de cet instinct national, obscur chez beaucoup, mais vivant quand même au cœur des Français, cadrerait mal avec un régime où toute espèce de supériorité est regardée d’un œil inquiet et où l’indignité morale, ou tout au moins la faiblesse de caractère, sont les meilleurs titres à une fortune rapide. A notre point de vue de royalistes, il n’est pas mauvais non plus que M. Fallières soit… M. Fallières. Par sa seule présence, il illustre et confirme ce que nous répétons tous les jours. Ce magistrat était très bien fait pour occuper le point culminant du régime que Proudhon a défini quand il a écrit « La Démocratie, c’est l’envie ».