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jusque dans les campagnes, des modifications si profondes, Ici encore, le principe de la division des industries existant à peine, la propriété était tout ; la famille était comme un petit monde fermé et sans communications extérieures. On passait des années entières presque sans argent ; on ne tirait rien de la ville ; chacun chez soi, chacun pour soi ; on n’avait besoin de personne. La propriété était une vérité ; l’homme, par la propriété, était complet. C’est à ce régime que s’était formée la forte race qui accomplit l’ancienne révolution. Aussi, voyez quels hommes ! quels caractères ! quelles vigoureuses personnalités ! Auprès de ces natures de fer, nous n’avons que des tempéraments mous, flasques et lymphatiques. Telle était en 1789 l’économie générale de la société : l’indépendance des fortunes faisait la sécurité du peuple. Aussi nos aïeux purent-ils supporter dix ans de régime révolutionnaire, soutenir et vaincre les efforts de l’Europe conjurée : tandis que nous, race désappropriée, race appauvrie, avec six fois plus de richesses cependant, nous ne tiendrions pas six mois, non pas à la guerre étrangère, ni à la guerre civile, mais à la seule incertitude !…

Reconnaissez-vous le Français, le vrai Français, l’homme de la terre de France ? Et vous allez le reconnaitre encore, vous reconnaitrez le paysan qui a défendu son sol, qui a combattu avec Jeanne d’Arc, avec Henri IV, avec Turenne, et dans les armées de la République et de l’Empire ; le Français soldat, le Français guerrier, mais plus grand que nature, voyant ses armes tracer les caractères d’une loi du monde. Ouvrons ce livre admirable, la Guerre et la Paix :

Salut à la guerre ! C’est par elle que l’homme, à peine sorti de la boue qui lui servit de matrice, se pose dans sa majesté et dans sa vaillance ; c’est sur le corps d’un ennemi abattu qu’il fait son premier rêve de gloire et d’immortalité. Ce sang versé à flots, ces carnages fratricides, font horreur à notre philanthropie. J’ai peur que cette mollesse n’annonce le refroidissement de notre vertu. Soutenir une grande cause dans un combat héroïque, où l’honorabilité des combattants et la présomption