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la leur, car tous les héroïsmes sont frères, le militaire comme la religieux et le révolutionnaire, et que Monsieur le curé renonce à toute ambition séculière et à tout esprit de domination, ils s’entendront parfaitement avec lui, sauf à le blaguer encore un peu, mais c’est l’esprit de la race, le vieux fond de malice et d’ironie gauloise. Il n’y a que le capon, le couard, le droguiste-épicier M. Homais, qui soit fermé à toute conception religieuse de la vie, car celui-là c’est le « bourgeois qui pense bassement » et il n’y a rien à faire avec… cela ; M. Homais mourra lâchement, on peut en être sûr, et fera appeler M. Bournisien : voyez au contraire comment meurt le père de Proudhon, une mort à l’antique, simple et grande, sans forfanterie comme sans terreur : le fils d’un tel homme pourra écrire la Justice dans la Révolution et la Guerre et la Paix. Pierre-Joseph Proudhon, dis-je, paysan franc-comtois, et non du tout petit-bourgeois, comme la sottise marxiste orthodoxe aime à dire, fils de Catherine Proudhon, cette femme d’un sens hors ligne, qui donna à son fils ce conseil étonnant : ne parle jamais d’amour à une jeune fille, fût-elle ta fiancée (et comment s’étonner après cela qu’il ait écrit le plus magnifique hymne au mariage qu’on ait jamais écrit : il faut remonter jusqu’à la Rome patriarcale et républicaine pour trouver une conception aussi rigide et aussi belle de la famille, et jusqu’à l’Odyssée même, pour voir la fidélité conjugale mise à une telle hauteur) ; Pierre-Joseph Proudhon, ce paysan devenu ouvrier et homme de lettres malgré lui, ce jeune bouvier, qui regrettera toujours d’avoir passé par le polissoir des villes et de cette prétendue civilisation urbaine, qu’il trouve sans saveur, horriblement abstraite, insincère et démoralisante : contre cette civilisation, son œuvre entière est