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ÈVE


Et moi je vous salue ô la première née.
Les autres ont connu de manquer de naissance.
Les autres ont connu de manquer de puissance.
Mais vous avez connu d’être déracinée.

Les autres n’ont connu que de planter leur tente
Au milieu du désert d’un immense plateau.
Mais vous avez connu la descente et la pente,
Et les pampres pendus tout le long du coteau.

Et je vous aime tant, première exterminée.
Vous seule avez passé par-dessous cette porte.
Vous seule avez frôlé le long de la Mer Morte
Les ailes de la mort et de la destinée.

Les autres n’ont connu que cette platitude.
Mais vous avez connu cette déclivité.
Les autres n’ont connu qu’une longue habitude.
Les autres n’ont connu que la captivité.

Mais vous avez connu d’entrer dans cette geôle.
Première vous avez passé sous cette voûte.
Première vous avez mis le pied sur la route
Et cheminé le long des bouleaux et du saule.