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l’argent suite


sentiment d’une affreuse contrainte, et d’un affreux manquement quand on voit un malheureux vieillard entièrement occupé de nos misérables querelles. Comme on a envie de lui crier : C’est bon pour nous. Mais vous, ne savez-vous donc pas. Quelle détresse, de voir un vieillard occupé de nos mêmes misérables vanités. Quel désastre de voir un vieillard empêtré dans nos petitesses, aussi petit que nous. Un vieillard aussi petit que nous est incomparablement plus petit. Et fort sottement plus petit. C’est pour cela que plus le jour de la mort est grand et plus le jour de la justice est grand plus il n’y a pas de spectacle aussi affreux au monde que de voir un vieillard occupé dans nos mesquineries. Et plus vous les défendez contre moi en disant qu’ils sont des vieillards, plus vous les condamnez au contraire, car à cette heure apparaît la profonde nature et il n’y a rien d’aussi mesquin qu’un vieillard mesquin, car il faut vraiment qu’un être soit au plus profond et incurablement mesquin pour demeurer mesquin la veille du double jour. Et ainsi quand vous les excusez sur ce qu’ils sont vieillards et quand vous les défendez sur ce qu’ils sont vieillards, vous les chargez au contraire, et de la plus terrible charge.

§. — Eh bien j’y consens. N’allons point si avant. Demeurons, chère Œnone. N’allons point si avant, si c’est tant les charger. Demeurons païens. S’ils sont indéfendables, si leur cause est insoutenable dans le langage chrétien, demeurons dans le règne païen. Restons-en à Nestor, cavalier de Gérénie. Celui-là aussi fut

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