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Je n’ai pas besoin de dire que je n’ai point changé une ligne à la copie de mon ancien maître. On y trouvera certainement, comment dirai-je, une force de jeunesse et pourquoi ne dirais-je pas toute ma pensée une vertu d’illusion que nous n’avons plus. C’est une grande tristesse quand les hommes de soixante ans ont gardé toutes leurs illusions et quand les hommes de quarante ans ne les ont plus. Et c’est encore un signe de ce temps et de l’avènement des temps modernes et rien de cela ne s’était présenté dans aucun autre temps. C’est une grande misère quand les hommes de soixante ans sont jeunes et que les hommes de quarante ans ne le sont plus. Nous aurons été constamment une génération qui aura passé par tous les minima et quelquefois par tous les néants de l’histoire contemporaine. C’est ce que j’avais appelé autrefois une génération sacrifiée. Mais je ne sais pas pourquoi je m’obstine à le redire. Les hommes de quarante ans le savent très bien sans qu’on le leur dise. Ceux d’avant et ceux d’après, les hommes de soixante ans, par qui nous avons été sacrifiés, et les hommes de vingt ans, pour qui nous nous sommes sacrifiés, s’en fichent pas mal ; et quand même ils ne s’en ficheraient pas, ils ne le croiront jamais ; et quand même ils le croiraient, ils ne le sauront jamais, quoi qu’on leur en dise. C’est ici le principe même de l’enseignement de l’histoire.

Il suit qu’on trouvera dans ce cahier cette même ardeur de laïcisation qui emplit toute la vie de ces hommes, qui chez quelques-uns dégénéra en une fureur

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