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l’argent


aujourd’hui des gorges chaudes, mais qui n’en a pas moins été le durable fondement de tout un monde.

Car, et c’est ici la deuxième et la non moins redoutable infection : en même temps que la bourgeoisie introduisait et pratiquait en grand le sabotage pour son propre compte, en même temps elle introduisait dans le monde ouvrier les théoriciens patentés du sabotage. En même temps qu’en face elle en donnait l’exemple et le modèle, en même temps dedans elle en donnait l’enseignement. Le parti politique socialiste est entièrement composé de bourgeois intellectuels. Ce sont eux qui ont inventé le sabotage et la double désertion, la désertion du travail, la désertion de l’outil. Pour ne point parler ici de la désertion militaire, qui est un cas particulier de la grande désertion, comme la gloire militaire était un cas particulier de la grande gloire. Ce sont eux qui ont fait croire au peuple que c’était cela le socialisme et que c’était cela la révolution. Les partis syndicalistes socialistes ont pu croire plus ou moins sincèrement qu’ils opéraient ou qu’ils constituaient par eux-mêmes une réaction contre les partis politiques, contre le parti unifié ; par un phénomène historique très fréquent, par une application nouvelle et une vérification nouvelle d’une très vieille loi des antagonismes cette réaction à une politique est elle-même politique, ce parti constitué est lui-même un nouveau parti politique, un autre parti politique, un antagoniste parti politique. Les partis syndicalistes sont eux-mêmes, eux autant, infestés, et infectés d’éléments politiques, les mêmes, d’autres intellectuels, des mêmes, d’autres bourgeois, des mêmes. Ils ont pu croire plus ou moins sincèrement qu’ils s’étaient débarrassés de l’ancien personnel politique

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