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DE LA RAISON PURE


nécessairement soumises aux conditions formelles de l’espace et du temps, de même, au point de vue de l’entendement, elles sont nécessairement soumises aux conditions de l’unité originairement synthétique de l’aperception, c’est-à-dire qu’elles doivent pouvoir s’unir en une seule et même conscience. Ce principe est donc pour l’entendement ce que l’autre est pour la sensibilité ; et, puisque l’entendement peut être justement défini la faculté de connaître, on a raison de dire que ce principe est la condition suprême de la connaissance. L’espace ou le temps n’est que la forme de l’intuition sensible : on ne peut pas dire encore que ce soit une connaissance ; mais, pour connaître quelque chose dans le temps et dans l’espace, par exemple une ligne, il faut une certaine liaison des éléments divers donnés dans l’intuition, ici de divers points, et par conséquent une certaine unité de conscience sans laquelle cette liaison ne pourrait avoir lieu, et qui, en la rendant possible, rend possible la connaissance même de l’objet. Autrement nos diverses représentations ne s’uniraient pas en une même conscience, et rien ne pourrait être ni pensé, ni connu (v. p. 165).

En ce sens aussi on peut dire que cette unité de la conscience qui sert à réunir dans le concept d’un objet toute la diversité donnée dans une intuition est une unité objective. Elle se distingue de celle par laquelle se trouvent associées, suivant les circonstances, nos diverses représentations, et qui, n’étant qu’une détermination du sens intérieur, est ainsi toute subjective. Celle-ci est empirique et contingente : ainsi, par exemple, pour tel individu tel mot représentera telle chose, tandis qu’il en représentera une autre pour d’autres. Au contraire l’unité qu’exprime le je pense est une synthèse pure de l’entendement qui sert à priori de principe à toute synthèse empirique, et elle est nécessaire.

C’est ce que confirme l’examen de la vraie nature du jugement. La copule ou le verbe y exprime un rapport qui a une valeur objective et se distingue par là de celui que peuvent déterminer les lois empiriques de l’association, et qui n’a qu’une valeur subjective. Quand je dis, par exemple, que les corps sont pesants, il y a là autre chose qu’un rapport résultant d’une association subjective de perceptions ; il y a une synthèse dont le propre est de ramener des représentations données à une unité objective d’aperception ou de conscience qui leur donne le ca-